Assurances : la Sfam liquidée, les consommateurs veulent se retourner contre ses anciens partenaires (Fnac Darty, MMA...)

La liquidation judiciaire de la Sfam, filiale du groupe Indexia, a été prononcée mercredi 24 avril. Comment les particuliers, qui ont été victimes de prélèvements bancaires abusifs, espèrent-ils récupérer parfois jusqu'à 25.000 euros ponctionnés par cet ex courtier en assurances sur leur compte ? Quid des autres marques et structures restantes (Indexia, SFK...) créés par le fondateur de la Sfam, Sadri Fegaier, l'ancien champion de la French Tech ?
Jeanne Dussueil
Sadri Fegaier, fondateur de la Sfam, devenue la filiale d'Indexia Group.
Sadri Fegaier, fondateur de la Sfam, devenue la filiale d'Indexia Group. (Crédits : Hans Lucas / Reuters)

lls sont « désespérés »« ulcérés » et, pour la plupart, « écoeurés ». Mercredi 24 avril, une vingtaine de consommateurs ayant été victimes de prélèvements bancaires abusifs de la Sfam, le courtier en assurances suspendu en 2023, s'est rendue à la sortie de l'audience à huis clos pour apprendre le placement en liquidation judiciaire de la société par le tribunal de commerce de Paris. Assignée par les Urssaf Rhône-Alpes pour un impayé de près de 12 millions d'euros, la liquidation de l'ex courtier, cerné par les affaires judiciaires, met dès lors « sur le carreau » plusieurs centaines de particuliers qui tentaient depuis des mois, parfois des années, d'être remboursés.

Pourtant, pour ces particuliers lésés, l'affaire ne s'arrête pas là. Au lendemain de cette audience demandée par l'organisme de recouvrement des cotisations sociales, ces consommateurs, parfois victimes de plus de 25.000 euros de prélèvements bancaires, entendent bien demander des comptes. Mais que peuvent-ils concrètement espérer, tandis que le placement en liquidation judiciaire met à l'arrêt l'entreprise qui va également devoir licencier les salariés à son siège, à Romans-sur-Isère (Drôme) ?

Pour rappel, après une liquidation judiciaire, les créanciers, dont les consommateurs, doivent se signaler dans un délai de deux mois. Dans le cas de la Sfam, l'Urssaf et ses autres principaux créanciers seront prioritaires. « Ça laisse des centaines de personnes sur le carreau »a déploré Me Emma Leoty, qui défend des plaignants dans une autre procédure au civil.

Lire aussiAssurances : la Sfam (groupe Indexia) placée en liquidation judiciaire, les consommateurs lésés seront-ils remboursés ?

Des prélèvements en rafale, via d'autres entités

Mais les consommateurs sont déterminés, certains ayant même manifesté mi-avril devant les locaux de l'entreprise. Pour eux, il s'agit en effet d'obtenir réparation sur un autre volet de cette affaire, de la part de la Sfam, épinglée dès 2018 par la DGCCRF. « On va essayer de récupérer des sous ailleurs », promet Jérôme, l'une des victimes parmi des milliers en France, mais aussi en Belgique. A la suite d'un achat d'un appareil multimédia en boutique, ces clients se sont vus liés, à leur insu disent-ils, à des contrats d'assurances affinitaires produits en rafale par la société Sfam, refondue plus tard sous la marque du groupe Indexia, nouvelle maison mère, mais aussi prélevés par ses filiales (Foriou, Hubside, Serena...) La société, autrefois encensée par la presse, proposait alors de souscrire un contrat pour assurer un téléphone ou un ordinateur, souvent pour environ 15 euros par mois. Toujours active, elle a même récemment ouvert des magasins Hubside qui ont pignon sur rue, spécialisés dans le reconditionnement d'appareil et les services web.

Ainsi, depuis des années, alors que les consommateurs ont rapidement alerté les services anti-fraudes, la Sfam (Société française d'assurance multirisque) agissait en tant que courtier en assurances, notamment avec Fnac Darty entre 2017 et 2019. Pour certains, les préjudices subis ont atteint « 25.000 euros », avec jusqu'à « 18 prélèvements par jour » pour une assurance de téléphone pour l'un ; « 10.000 euros » pour l'autres, ou encore « 5.500 euros » en quelques semaines et « 126 tentatives de prélèvement sur mon compte » sur une journée.

Vers les ex partenaires de la Sfam

C'est d'ailleurs vers cet ancien partenaire de la Sfam que ces consommateurs espèrent désormais obtenir réparation. « La Fnac ne pouvait ignorer ces pratiques », affirme ce consommateur présent à la sortie de l'audience du 24 avril qui souhaite rester anonyme. « Ce sont eux les vendeurs des produits, avec Cdiscount, Darty notamment », poursuit-il.

Sur les forums des victimes, les boutiques de l'opérateur SFR (groupe Altice) sont également citées. Interrogé par La Tribune, le groupe répond : « depuis mi-2016, Chubb est notre unique partenaire assureur sur l'assurance mobile » et mentionne la responsabilité éventuelle « des distributeurs indépendants ».

L'autre espoir pour réparer leur préjudice est de se tourner « vers les assurances MMA et l'assureur QBE », selon ce particulier. Partenaire, l'assureur MMA avait en effet signé avec la Sfam une offre d'adhésion facultative. Or, ce contrat qui liait MMA à Indexia, la maison mère, a pris fin le 31 décembre 2023, à l'initiative de MMA. L'assureur avait envoyé début 2024 une lettre aux assurés dont le contrat était encore géré par Indexia, afin de les informer de la résiliation. Le divorce est même plus qu'entamé entre les deux anciens partenaires puisque fin mars, au Mans, Indexia a assigné MMA qui était derrière une partie de ses contrats. Et de lui réclamer 1,9 million d'euros. Les demandeurs, par la voix de l'avocate Me Leoty, engagent également la responsabilité de la société Axeria IARD, également assureur des contrats distribués par Indexia, avant la rupture de leur partenariat.

Concernant l'assureur belge QBE, la Sfam « a souscrit une garantie financière et une responsabilité civile professionnelle auprès de QBE Insurance (Europe) Limited », comme le mentionne une notice d'information sur l'un de ses nombreux « pack » garanties.

Aussi, les commissaires aux comptes, dont le cabinet Ernst&Young, ont également été assignés par Me Leoty qui porte les plaintes des particuliers.

Enfin, l'avocate des consommateurs réclame aussi l'intervention du ministère de l'Economie et des Finances. En 2019, Indexia avait dû payer 10 millions d'euros dans le cadre d'une transaction pénale faisant suite à une enquête de la Répression des fraudes (DGCCRF), pour pratiques commerciales trompeuses.

« Cette somme pourrait être utilisée pour rembourser les consommateurs », déclare Me Leoty à l'AFP.

Ces anciens partenaires sont assignés par l'avocate au civil par 440 consommateurs lors d'un procès qui aura lieu le 26 septembre pour pratiques commerciales trompeuses devant le tribunal correctionnel de Paris. Au total, dans cette deuxième enquête de la DGCCRF, la Sfam, six sociétés du groupe et son PDG vont comparaître.

Le cas Fnac Darty

Parmi eux, le groupe Fnac Darty, maintes fois cité par ces consommateurs et dans lequel le groupe Indexia a détenu jusqu'à 11,35% du groupe avant de revendre ses parts fin 2023. La fin du partenariat Fnac/Sfam est intervenue après que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ouvert en 2018 une enquête, qui a abouti à une transaction pénale de 10 millions d'euros.

Mais cette fois, la rupture est encore plus nette. Tandis que les consommateurs constatent toujours des prélèvements sur leur compte, mi-avril 2024, Fnac Darty a confirmé avoir porté plainte contre son ancien partenaire. Et de préciser aussi qu' « après de très nombreuses alertes et relances adressées au groupe Indexia, la société Fnac Darty Participations et Services a assigné en janvier 2023 la société SFAM devant le tribunal de commerce de Paris afin de la contraindre à traiter les réclamations des clients, au moyen d'une astreinte. La procédure est toujours en cours », a répondu Fnac Darty à La Tribune.

Et d'ajouter :

« Fnac Darty condamne bien entendu les pratiques de promotion et de prospection commerciale qui seraient jugées contraires aux intérêts des clients et de ses valeurs. La Fnac a alerté fortement la SFAM sur la nécessité d'apporter dans les meilleurs délais des réponses satisfaisantes aux préoccupations des clients, concernant en particulier les récentes évolutions des offres SFAM. »

Parmi les éléments de sa défense, le groupe précise enfin : « pour rappel, la SFAM est responsable de l'évolution de son offre et de sa politique commerciale, concernant notamment la promotion et la prospection commerciale auprès de ses clients.»

« La richesse de M. Fegaier, c'est la nôtre »

« La plainte (de Fnac Darty), c'est une manière de se dédouaner de leur responsabilité », peste, lui, Jérôme qui souhaite rester anonyme. « On n'a aucun moyen de faire pression sur les biens propres de M. Fegaier (fondateur d'Indexia, NDLR) alors que ce sont les nôtres. Sa richesse s'est constituée sur nous », lâche-t-il.

Pour récupérer leurs billes, certains consommateurs en Belgique n'ont d'ailleurs pas hésité à manifester leur colère contre l'Etat français et la banque publique d'investissement (Bpifrance), actionnaire entre 2018 et 2023 de la Sfam, alors ancienne star de la French Tech, comme l'ont rapporté les médias belges en février dernier.

Enfin, si l'entité Sfam est liquidée et son siège drômois fermé, quid des autres marques et autres sociétés créées par l'entrepreneur ? En plus d'Indexia Group, Sadri Fegaier est en effet à la tête des structures « SFK Group » et « SFK Development », toutes domiciliées à une même adresse, à Paris XVI.

Lire aussiAccusé de « pratiques commerciales trompeuses », l'ex courtier Sfam (Indexia) déchaîne toujours la colère des consommateurs

Jeanne Dussueil

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Commentaires 20
à écrit le 27/04/2024 à 5:43
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L' arbre qui cache la forêt. Au-delà de cette affaire, c'est tout le système SEPA qui est à remettre en question.

à écrit le 26/04/2024 à 23:41
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Bonsoir j'ai travaillé à la a fnac pendant plus de 10 ans,j ai senti dès le départ du partenariat avec ce groupe,une arnaque notoire.les managers et les directeurs nous mettaient une pression telle sur la vente de ces produits,qu on forçait les gens ...

à écrit le 26/04/2024 à 21:32
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Je ne suis plus client de la Fnac et Darty depuis des années en sachant que leurs vendeurs ne s intéressent que de vendre des assurances bidons pour anarquer les clients plutôt que des produits de leurs rayons du fait qu ils touchent une commission s...

à écrit le 26/04/2024 à 17:27
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" La société, autrefois encensée par la presse" Ah,ah

à écrit le 26/04/2024 à 17:15
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Moralité, il ne faut JAMAIS contracter une assurance autre qu'obligatoire. Les extensions de garantie sont une arnaque à grande échelle. De l'argent facilement gagné.

à écrit le 26/04/2024 à 15:13
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"l'ancien champion de la French Tech" c'est la French tec !!! si cela a été possible que tout ce passe ainssi, vous pensez que l'on peut être sur le marché sans que les autorités ne puissent comprendre ce qui se passe? allons, faut pas faire semblant...

à écrit le 26/04/2024 à 14:30
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Comment ces consommateurs n'ont ils pas réagi de suite en lisant leurs relevés bancaires. J'ai eu le même prblm avec l'achat d'un mobile chez SFR. Dés le 1er débit douteux, j'ai immédiatement réagi en faisant opposition au prélèvement automatique+ l...

le 26/04/2024 à 15:17
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Et quelques années après résiliation, de nouveaux prélèvements arbitraires en cascade réapparaissent, totalement frauduleux

à écrit le 26/04/2024 à 10:21
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J'ai fait l'objet de cette arnaque lors d'un achat à la FNAC de Quimper. J'ai réussi à me faire rembourser il y a quelques années J'ai fait une réclamation à la FNAC de Quimper qui ne m'a jamais répondu. Les vendeurs FNAC savaient très bien ce q...

à écrit le 26/04/2024 à 9:43
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Au delà de la déconvenue et du malheur de tous ces gens spoliés, il y a quelque chose de navrant dans cette histoire: elle donne l'impression qu'on ne peut vraiment réussir dans la vie sans voler ou simplement tricher. Le nombre de fortunes qui se so...

le 26/04/2024 à 15:24
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ben "Indexia avait dû payer 10 millions d'euros dans le cadre d'une transaction pénale " pas difficile de comprendre que lorsque l'on fait une transaction pénale, c'est bien car les pratiques sont douteuses ! et pour autant l'état ou les autorités ne...

à écrit le 26/04/2024 à 8:39
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moi et ma fille nous avons été abusé aussi mais une petite sommes,nous sommes restés quelques mois de plus espérant être remboursé surtout ma fille étudiante .nous avons résilié notre contrat ,nous sommes restés un ans tranquille et rebelote des prél...

à écrit le 26/04/2024 à 7:40
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Bonjour. Bien triste affaire pour les adhérents à l'assurance de leur produits Tech. 15 euros mensuels annoncés... je vérifie mon compte bancaire, je vois un montant supplémentaire prélevé, je m'inquiète auprès de ma banque... je fais opposition....

le 26/04/2024 à 14:35
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C'est, à mon avis, l'attitude la + intelligente. C'est aussi ce que je fais régulièrement. Bien sûr, chacun opère selon désir. Mais après il ne faut pas pleurer

à écrit le 25/04/2024 à 20:58
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Ce n' est qu' un hors d' oeuvre avant S.F.R., les deux " créateurs " étant de la même espèce ! À noter que celui de la SFAM vait reçu le prix de meilleur entrepreneur de la Région Auvergne-Rhône - Alpes ! Là aussi un choix plein de flair ! et dire...

le 26/04/2024 à 9:53
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Je me trompe peut-être mais je pense que Drahi ressemble davantage à Naouri qu'à Fegaier. Si c'est le cas, cela augure mal de la pérennité de l'empire.

le 26/04/2024 à 15:28
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l'arnaque, c'est un métier ! nous ne sommes plus sur une économie industrialisée plus que sur celle de la techno ou les flux économiques n'ont plus de frontières ! Et vous pensez un instant qu'après avoir pris autant d'argent, le dépôt de bilan se f...

à écrit le 25/04/2024 à 20:45
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Ils devraient aussi se retourner contre l'État, l'Orias et l'AMF.

à écrit le 25/04/2024 à 19:40
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Il n'est pas possible de croire qu'il n'y ait pas eu de liens croisés ni de compromissions entre les différents intervenants dans cette fraude à grande échelle. Sans doute avec un soutien implicite à haut niveau. Il faut que la justice fasse vite so...

le 26/04/2024 à 15:30
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Oui, cela ne fait aucun doute ! ce sont de gros players, donc forcément comme c'est une question de viabilité de la prestation proposé, c'est au minimum un problème qui doit revenir a ceux qui le portait !

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